6 principes d'influence pour vendre ses spectacles : la réciprocité
La réciprocité dans vos spectacles.

La règle de la réciprocité est une des règles les plus puissantes dans les techniques de manipulations commerciales et des plus malsaines. Mais bien utilisée et avec les bonnes intentions, elle devient un outil indispensable dans la réalisation d'une bonne communication. Il est donc essentiel de bien la comprendre et de connaître les leviers qui la composent.
La réciprocité dans le marketing du spectacle
Nous sommes humains parce que nos ancêtres ont appris à mettre en commun : compétences et nourriture, dans le cadre d'un réseau de compétences mutuelles.
Lorsque quelqu'un vous rend un service quel qu'il soit, vous vivez un sentiment de dette envers lui. C'est une bonne chose et ne culpabilisez pas de cela.
Ce fonctionnement naturel et de bonne conscience est un fonctionnement ancestral qui a permis à l'homme de devenir ce qu'il est. Et c'est sûrement aussi ce fonctionnement qui va permettre à l'homme de perdurer s'il développe de nouvelles façons de fonctionner ensemble.
C'est la règle du donnant - donnant !
Un exemple qui démontre la force de la réciprocité lorsqu'elle n'est pas forcée (présenté dans le livre de Robert Cialdini). C'est une expérience qui a été faite dans le cadre de recherches scientifiques à l'université de Cornell aux Etats Unis :
Un sujet devait apprécier la qualité de certains tableaux dans le cadre d'une expérience sur les jugements artistiques.... Mais ce n'était qu'un fake, car le sujet de l'expérience n'était pas celui-ci. Il portait sur la réciprocité.
L'experimentateur laissait un instant le sujet observer les tableaux tout seul. Lorsqu'il revenait, il y avait deux situations différentes :
- Soit il revenait les mains vides et proposait au sujet de l'aider à acheter des billets de tombola pour son fils.
- Soit il revenait avec deux Cocas dans les mains en expliquant qu'il avait réussi à les avoir de la direction et que du coup, il en avait prit deux. Puis il demandait au sujet de participer à cette même tombola en utilisant les mêmes mots.
Les sujets ayant reçu le Coca-Cola achetaient DEUX fois plus de tickets de tombola que celui qui n'en avait pas eu !
Sachant que le prix d'un ticket de tombola valait à l'époque le prix d'un Coca l'affaire étaient rentable !
Car la règle de réciprocité fonctionne indépendamment de la valeur du service ! Et c'est très important à comprendre. C'est la force du sentiment de redevabilité qui est en jeu et non la valeur du bien offert.
Le donnant - donnant dans le spectacle :
Vous comprendrez facilement, que lorsque vous êtes sur un festival, vous avez tout intérêt d'offrir un coup à boire au programmateur venu voir votre spectacle pour en discuter avec lui.
Vous pouvez même aller plus loin en offrant quelque chose à votre public si vous lui demandez d'aller sur votre page Facebook pour vous "suivre".
Le groupe Massilia Sound System offrait le pastis après chaque concert ! Cette technique n'était pas volontaire de leur part, car connaissant leur manager de l'époque, je doute que ce soit pour autre chose que le délire que cette démarche ait été mise en place. Mais, ce que je peux vous dire c'est que celà a fonctionné du tonnerre et je pense qu'elle a été un des piliers de leur réussite.
Sur internet, il est facile d'offrir un petit dossier utile au programmateur lui facilitant la tâche dans son organisation. Comme par exemple, des astuces pour bien placer son public dans différentes configurations.
Vous pouvez aussi envoyer un simple mail qui l'aiguille vers un site internet qui pourrait l'intéresser.
Les idées ne manquent pas, mais l'important, c'est d'arriver à faire ceci lorsque le programmateur est en cours de réflexion dans le choix de la compagnie qu'il va choisir. Mais surtout, de donner l'impression que c'est un véritable don personnel de votre part qui vous a demandé un effort.
D'où l'importance, lorsque vous utilisez cette stratégie via internet, de bien personnaliser votre mail et d'expliquer pourquoi le cadeau que vous avez offert vous a pris du temps. Pour faire fonctionner ce levier, il est par exemple inutile, de mettre un quelconque dossier d'aide au programmateur en téléchargement direct.
Pour ma part, j'utilise ce levier après une représentation en écrivant un bilan au programmateur et en lui donnant quelques conseils en tachant de ne pas frustrer l'égo de celui-ci. J'envoie un second mail dans la foulée, en demandant adroitement un avis en retour. Cela me permet alors d'avoir plus de chances d'obtenir des outils pour faire fonctionner la preuve sociale.
Un peu machiavélique, vous ne trouvez pas ? Gardez seulement en tête que ce que vous avez à offrir doit l'être et ne pourra que vous retomber dessus de manière positive, si vous expliquez adroitement que ce cadeau vous a pris du temps.
Si je vous dis que pour rédiger cette série d'articles, il m'a fallu :
- Prendre le temps de lire un livre en entier (je ne lis que trop peu.souvent).
- Qu'il m'a fallu parcourir quelques blogs sur ce sujet.
- Écouter une série de podcasts.
- Boire 3 litres de café.
- Et galérer à mettre en page et en forme tout ceci. Pendant plusieurs jours.
Si je vous dis que tout ceci, je le fais gratuitement et que je ne vous demande rien en retour.
Sera-t-il plus facile pour vous d'aller poser un commentaire en bas de page juste pour me dire merci et me faire comprendre que je n'écris pas tout ceci pour rien ?
La réciprocité n'a rien à voir avec la sympathie !
Lorsque quelqu'un vous paye un coup à boire, vous avez inévitablement l'envie vous aussi de lui payer un coup à boire. Et ceci ne dépend pas de la sympathie que vous avez envers lui, mais uniquement du fait que vous ayez développé un sentiment d'obligation envers lui. Que la personne soit sympathique est secondaire face à cette règle.
Revenons à notre expérience : une enquête de satisfaction étaient aussi menée suite cette expérience qui demandait au sujet le sentiment de sympathie qu'il avait eu auprès de l'expérimentateur. Et bien sachez que quel que soit le sentiment de sympathie du sujet envers l’expérimentateur la règle de la réciprocité fonctionnait indépendamment de ce sentiment.
La réciprocité, c'est obligatoire !
Prenons l'exemple du petit laveur de carreaux qui au feu rouge s'empresse de vous laver les vitres de votre voiture. Il ne vous laisse pas le choix de cela et vous avez même tendance à refuser ce service farouchement, car vous savez que vous allez être coincé. Il vous force littéralement la main et il vous paraît tout de suite complètement antipathique.
Cependant, il devient pour vous très difficile de vous extraire de la règle de la réciprocité dans laquelle il vous a plongé de force. Et, ne pas lui donner une pièce devient un acte de bravoure contre vous-même. Et pire si vous ne le faites pas malgré tout, vous vivez un sentiment de culpabilité.
Cette technique a été largement utilisée par les adeptes de Krishna qui offraient des fleurs en les mettant dans les mains des passants pour ensuite demander des dons. Ils ont fait fortune en utilisant cette technique.
Vous comprenez qu'il n'est pas nécessaire que nous ayons demandé quelque chose pour que nous nous sentions obligés de rendre la pareille. Cela ne veut pas dire que nous n'éprouvons pas un sentiment d'obligation plus fort si c'est nous qui avons sollicité le service, mais seulement que ce sentiment existe même si nous n'avons rien sollicité.
La raison en est pour une part que la reconnaissance est un sentiment désagréable.
Nous trouvons en général déplaisant d'être l'obligé de quelqu'un que nous l'aimions ou pas !
J'espère que cela pourra rassurer les personnes qui ne se sentent pas des plus sociables, car que vous le soyez où non, cela n'a aucune importance !
Il m'a été donné de rencontrer un jour une diffuseuse qui n'avait rien de bien sympathique. Elle me disait qu'elle offrait des coups à boire lorsqu'elle rencontrait un programmateur susceptible de programmer un des spectacles dont elle faisait la promotion. Elle m'expliquait que c'était redoutable la façon dont cela pouvait fonctionner lorsqu'elle profitait de l'occasion pour demander des tuyaux, voir même de programmer ses spectacles. En mon for intérieur, je m'étais dit qu'elle devait légèrement se vanter, car son capital "sympathie" n'était pas plus élevé que le mien. Je me trompais d'angle !
Les concessions réciproques :
La concession réciproque est une manière plus subtile d'utiliser la règle de la réciprocité et c'est pour cela qu'elle est aussi la manière la plus redoutable de l'utiliser.
Un exemple donné dans le livre est assez frappant :
L'auteur raconte qu'il se baladait dans la rue. Un enfant l'aborde pour lui vendre des tickets de tombola (oui, encore ces maudits tickets). L'auteur refuse la demande, car les tickets sont chers. Alors l'enfant, lui explique que c'est ennuyant pour lui. Alors, il lui propose d'acheter, à moindre prix, une barre chocolatée. L'auteur pris au dépourvu accepte.
Que s'est-il passé pour qu'un enfant arrive à faire céder un expert en manipulation aussi facilement sachant qu'il n'aime pas le chocolat ?
Une personne qui se comporte d'une certaine manière avec vous est en droit d'attendre que vous vous comportiez de la même manière envers elle.
L'enfant a fait une offre, mais cette offre étaient trop coûteuse pour l'auteur. Alors, l'enfant a fait une concession en lui proposant une autre offre moins coûteuse. L'auteur a donc agi naturellement de même en faisant lui aussi un effort.
Cette technique dans la vente s'applique très régulièrement. On va toujours vous proposer un produit en commençant par la gamme du haut. L'offre étant toujours trop chère, alors on va vous proposer un article moins cher.
La concession réciproque dans le spectacle :
Nous ne vendons pas des lave-vaisselles et n'avons pas , lors de nos négociations, des "gammes de produits" dépendante d'une "valeur matérielle".
Par contre, il nous arrive fréquemment d'avoir du mal à vendre au juste prix nos spectacles. Simplement, parce que nous annonçons trop souvent nos vrais tarifs dés le départ. Nous aurions mieux à faire en proposant un tarif légèrement à la hausse dans lequel nous croyons, pour ensuite le baisser un peu, en expliquant qu'on est prêt a concéder sur tel ou tel partie de notre marge.
Je le fais régulièrement, car lorsque j'explique le tarif de mon spectacle, j'en décortique le prix :
- Les cachets des intermittents en précisant bien la part nette.
- Le coût en temps de travail de la partie production.
- Les frais de déplacement et les coûts en restauration.
- L'amortissement du matériel.
- La part nécessaire à l'autofinancement d'une prochaine création.
Il m'est alors facile, en fonction de mon interlocuteur, de baisser le tarif en stipulant sur quelle part je fais ma concession. Et si j'ai réussi à bien comprendre mon interlocuteur, je saurais sur quelle part, il faut que je réduise mon coût pour que cela lui paraisse être une concession forte.
Concédez-vous vos spectacles :
Mais prenez garde de ne pas trop surévaluer le prix de vente de votre spectacle, car nous ne sommes pas de vendeurs de tapis et nous savons tous que nos spectacles sont mal vendus !
Voyez cela comme une éducation du programmateur aux concessions que nous faisons tous et non comme une technique sournoise de vente qui ne fonctionnera pas si vous ne croyez pas vraiment à votre propos.
Pour conclure sur la réciprocité :
La réciprocité fonctionne. Cependant, ce n'est pas une fin en soi. C'est un levier que vous pouvez tirer dans la communication de votre compagnie et dans la vente de vos spectacles. Comme tous les leviers que je vous présente ici, ce sont des tendances humaines naturelles que vous avez fort intérêt à connaitre pour éviter de faire des erreurs qui pourraient coûter cher à votre compagnie.
Ces leviers fonctionnent mieux lorsqu'ils se cumulent. Par exemple, dans ma façon de fonctionner en décortiquant mon tarif, j'utilise un autre levier. Celui de la perception. En effet, en expliquant quel serait le tarif idéal de mon spectacle, je donne au programmateur la possibilité de jauger la véritable valeur de l’effort consenti pour l'amour du jeu et d'avoir la perception de l'économie qu'il fait.!